• Le Timbré


    Dans un monde tout rond,  vivaient des gens gros et ronds dans des villes carrées, pleines de boîtes, toutes sortes de boîtes...

    Il existait dans une de ces villes, un personnage lugubre, taciturne et solitaire, il avait une allure de mort-vivant. Son visage émacié portait péniblement deux grands yeux sombres. Sa maigreur faisait peur, et son attitude lente, tant dans la démarche que dans l'action, le décalait du reste de la population.

    Il inquiétait tout ce beau monde. On lui attribuait tous les défauts et toutes les perversités nés au plus profond des cervelles tourmentées par sa présence. Personne ne se souvenait de son arrivée, il ne pouvait pas être d'ici, c'était forcément un étranger.

    On le surnommait le Timbré. Il ne faisait rien comme tout le monde, et pourtant il vivait en apparence comme tout le monde. Il était vrai que sa maison, à l'opposé des autres, était ronde à l'intérieur, mais ça, personne ne le voyait.

    Il était en quelque sorte insaisissable et impénétrable. La curiosité frustrée des uns et des autres motivait la haine. Tout un parterre de pensées vénéneuses jalonnait les traces de son passage.

    La ville était soumise aux lois de dix anciens chargés de gérer tous les problèmes. Et l'étranger en était un de taille. Les plaintes affluaient, jamais directes, elles cognaient à leur porte en habit de soupçons et de rumeurs. C'en était trop, il allait falloir se décider à poster une bonne fois pour toute ce Timbré.

    Tous ces braves gens n'utilisaient pas le mot timbré au hasard. Ils adoraient les boîtes et les enveloppes, y collaient des tas d'étiquettes, y apposaient leur timbre, puis se débarrassaient de tout ça dans la boîte postale. Ils ne connaissaient pas la
    destination de leur colis, tout ce qu'ils savaient, c'est qu'il partait pour une autre ville. Et en retour ils recevaient les colis des autres villes. La répartition des colis et courriers obéissait à une règle simple, vous en receviez autant que vous en aviez
    envoyé.

    Et lui le Timbré, personne ne le voyait jamais poster quoique ce soit, c'était très louche. Ils rêvaient tous de le voir partir. Peu importait où il atterrirait, mais surtout ailleurs, qu'il ne restât pas ici.

    Les dix se disaient:
    Ah! Si on pouvait le mettre à la poste, il serait enfin une lettre achevée, prête au départ d'ici... Un bon coup de tampon et oust! Ah! La boîte postale!

    Le mettre en boîte, n'importe quelle boîte, pourvu qu'on ne le vît plus, ni ne l'entende...Le Timbré... Ah oui, il y avait aussi sa voix qui dérangeait, la voix du Timbré, celle qui résonne vous savez? Celle qui perturbe la voie des autres.Qu'on aimerait bien réduire au silence, la mettre en boîte quoi.

    Ah! Ce Timbré qui enveloppait de tant de désarroi l'incompréhension des dits "justes". Ce Timbré sans raison qui raisonnait différemment au point de mal résonner. Troubler le son de cloches rassurant, le fêler.

    Pauvre fêlé Timbré, sa voie gênait les voix, sa voix n'avait pas de voie, seule l'ombre acceptait la fêlure de son obscure luminescence.

    Ils le mirent donc dans une boîte, le timbrèrent et le jetèrent dans la boîte postale...J'ai omis de vous dire que ces boîtes étaient très spéciales, personne n'en connaissait plus vraiment le fonctionnement, ils se contentaient tous d'y jeter la demande de ce qu'ils attendaient en retour...

    Cependant, le Timbré se trouvait être le seul qui savait, il travaillait à la boîte postale et en était le seul employé...

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  • Sur les aiguilles âges du temps, Le train roulait à vie va l'heure. Douze gares, douze quais, un train toutes les heures. Un train et un seul pour chaque heure. Le train d'une heure arrivait au quai de la gare de 2h et repartait pour la gare de 3h, et ainsi de suite... sur chaque train était inscrit en lettres... : "Le temps qui meurt demeure, le temps qui vit périt".

     

    Il était là. Il ne savait pas pourquoi ni comment, mais il était là, dans ce wagon du train numéro 6. Il roulait vers la gare numéro 7. Le train était bondé. Les passagers vaquaient à leurs occupations. Quand il fixait l'un d'entre eux, il le voyait dans son environnement. Cet enfant là faisait du vélo dans son quartier, un homme en costume était au volant de sa voiture, celle-là dans son bain, et un autre là-bas découpait la viande...Ils arrivaient en gare sept. Le quai était aussi long que le train, on n'en voyait ni la fin ni le début. Le seul indice qui indiquait l'arrivée était le ralentissement du train et son arrêt.Il vit alors les gens descendrent, des vieux, des jeunes, de toutes sortes, de tous âges, de tous horizons, et tous s'effondraient sur le quai. Le quai étaient jonché de morts. Puis arrivait une nouvelle vague d'humains, piétinant les corps, ignorant leur présence, et tous emplissaient les wagons de nouvelles vies. 

     

    Il décida de descendre avant son heure.  

     

    Il lui fallait tuer le temps... Comment tuer le temps? Quand on a qu'un instant pour le faire... Le passager du temps savait que cet instant était celui de sa vie. Une éternité pour celui qui ne vit pas. Un sourire illumina son visage blaffard et creusé par le tourment. Il savait comment...

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  • Une bête assoiffée d'amour se laissait mourir de soif dans le désert de la multitude. 

     

    Quand le Médecin se pencha sur elle: 

    - Vous êtes en dépression, en état de déshydratation, d'anémie, vos artères n'en peuvent plus, vous présentez aussi les symptômes  de maladies bien plus graves! Il faut arrêter ci et ça...Pensez à votre corps! Je vous prescris de quoi vous remettre d'à plomb...

    - Vade retro satanas! Toutes tes potions fantasques ne soignent que le portefeuille des labos proxénètes qui t'entretiennent! 

     

     Puis ce fut le tour de Mère Pitié:

    - Ne te laisse pas mourir, prend de mon eau, je suis là, je t'aime.

    - Resteras-tu avec moi?

    - Non, tu n'es pas le seul, j'ai bien trop à faire.

    - Alors à quoi cela sert-il? A satisfaire ta conscience? Tu te prends pour un bar ambulant dans le désert! Fous moi la paix! 

     

     Alors se pointa l'intérêt:

    - Allez bois, bois imbécile! Je te connais! Arrête de te laisser aller comme ça!

    - Ah oui! Tu me connais? Comment ça?

    - Si moi j'avais tes dons, tes compétences, si j'étais capable de faire ce que tu fais, je ne serai pas là où je suis! Tu ne te rends pas compte, tu as de l'or dans les mains!

    - Mais encore?

    - Viens avec moi et tu n'auras plus soif!

    - Je crois bien que nous ne buvons pas de la même soif! Casse-toi! 

     

    Puis vint l'attirance:

    - Allez bois! Tu ne peux pas te laisser mourir comme ça!

    - Ah oui! Et pourquoi donc?

    -Tu es si belle! Tu me plais, j'ai besoin de toi!

    - Et qu'est-ce qui te plaît tant que tu en aies besoin?

    - Tu réponds à toutes mes demandes!

    - Et que sais-tu des miennes? T'en souviens-tu?

    - Heuuuu..........

    - Casse-toi!! 

     

    Ensuite l'admiration:

    - Tu ne peux pas partir comme ça! Le monde a besoin de toi! Bois s'il te plaît, je t'en supplie! Reste avec nous!

    - Le monde se fout bien de ma tronche, personne n'est indispensable.

    - Tu l'es pour moi, tu es si...mieux que moi!

    - Les mieux que toi ne doivent pas manquer...Tu te passeras bien de moi... 

     

    La vie rétorqua:

    - Bois mon enfant, je t'ai mis au monde, soit reconnaissant du don que je t'ai fait, la vie est précieuse.

    - A quoi sert la souffrance?

    - A mieux te connaître.

    - A quoi sert la douleur?

    - A prendre soin de ton corps.

    - A quoi sert de vivre sans amour?

    - Demande le à l'Amour.

    - A quoi sert de survivre?

    - Demande à la solitude.

    - A quoi sert de vivre?

    - Demande à l'existence...

    - Wé ben organise une fête avec tout ce beau monde et saoulez-vous ensemble! Vos faits m'un diffère, et je ne t'aime pas!

     

    La mort alors intervint à son tour:

    - Bois, ton heure n'a pas encore sonné!

    - Et qu'est-ce que tu fous? T'es au chômage?

    - Le chômage!! Tu rigoles!! Ce n'est pas pour moi, tant que vous vous reproduirez, je ne manquerai pas de boulot!

    - Bon ben une petite minute sup' pour moi ça devrait pas trop te gêner!Alleeeeezz!

    - Ca va pas non! Je n'ai pas que ça à faire moi! Et puis il y a des lois, je les respecte!

    - Vendue! Lèche-cul! Qu'est-ce que tu viens m'offrir à boire alors!! Casse-toi! 

     

    Dieu en "personne" tenta son coût:

    - Bois mon amour, lève-toi et marche!

    - Mais je ne fais que ça depuis si longtemps et je n'arrive plus à marcher.

    - Marche!

    - AIIEEE!!!

    - Tu sais très bien que je n'éprouve que ceux que j'aime!

    - Alors CA OUI! Tu dois m'aimer très fort! Et les autres,là, les enfoirés qui torturent et massacrent, ceux-là tu ne les aimes pas, alors tu les laisses tranquilles, c'est très cool de ta part! S'il te plaît, cesse de m'aimer! Lache moi! 

     

    L'Amour se pencha sur la bête:

    - Bois mon amour, s'il te plaît, bois, pour moi, je t'aime.

    - Resteras-tu avec moi?

    - Oui, je suis toujours avec toi.

    - Ah? Où es-tu? A chaque fois que tu es venu m'embrasser, je me suis endormie, et au réveil tu n'étais plus là!

    - Wé ben je ne suis pas seul fautif, tu m'as viré plusieurs fois, hein!!

    - Oui, par Amour, tu t'en souviens? Ou n'es-tu pas conscient de tes actes?

    - Ah! Ben si! Mais ça ce n'est pas mon affaire! C'est celle de la conscience! Alors démerde-toi avec elle!

    - Ben si c'est pour venir m'emmerder encore avec ta boisson gazeuse toxique tu peux te casser! Tu me donnes envie de gerber! 

     

    Et l'enfant soudain : 

    - OUUUIIIINNNN!!!!

    - Oui je suis là mon bb...

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  • Saviez-vous que, bien avant l’invention du papyrus, à l’époque où l’homme vivait encore dans les cavernes, la communication autre que verbale existait déjà ? Vous me direz, oui, on le voit partout sur les parois des grottes, les dessins… Et bien, elle n’était pas la seule forme d’échange écrit si je puis dire. L’histoire est là…

    En ces temps reculés, les hommes gardaient trace de leurs exploits et de leur mémoire, sur les murs des grottes. Mais quand il fallait quitter ce lieu de résidence, ils ne pouvaient pas les emporter avec eux. Cette mémoire était perdue pour leurs descendants. Ils ne pouvaient plus non plus la partager avec les différentes tribus qu’ils croisaient.

    Certains essayèrent de se servir des cailloux, ainsi naquit la sculpture. Mais ce procédé était encombrant, trop lourd à déplacer quand il devenait conséquent. Alors ils pensèrent au bois, l’écorce devint une première approche du livre. Mais quand ils furent confrontés au froid, il leur fallut bien brûler tout ça, sculptures et écorces finissaient dans le foyer salvateur.

    Et puis, un jour, un enfant changea le cours des choses. Il ne s’intéressait, ni à la chasse, ni à la pêche, et, pas même aux jeux des autres jeunes du clan. Il n’avait d’yeux, et d’intérêt, que pour les peintures du grand chaman. Mais celui-ci peignait dans une excavation différente de celle de la tribu, réservée aux cérémonies rituelles, auxquelles les enfants n’avaient pas souvent accès. Chaque fois qu’il pouvait les voir, il était émerveillé, et occupait toute sa mémoire à en retenir les détails, pour ensuite, y penser le jour, et en rêver la nuit.

    Mais les adultes ne l’entendaient pas de cette oreille là. Tous les bras valides et jeunes devaient contribuer à la survie du clan. Ils le forcèrent donc à participer à la chasse et la pêche. Ce fut lors d’une de ces expéditions, qu’il découvrit le remède à son malheur. Il avait observé dans la grotte, les empreintes de mains du chaman, et de quelques chasseurs glorieux. Ce fut un jour de pluie, où, suivant les chasseurs, tête baissée, qu’il remarqua les traces de leurs pieds boueux s’imprimer sur les feuilles des plantes fauchées par leur passage.

    Ce n’était pas la première fois qu’il s’en faisait la réflexion. Mais quand une de ces feuilles s’accrocha à son talon, et, que d’un geste souple il en débarrassa son pied, son regard resta en suspension sur ce qu’il tenait dans sa main. Il n’eut pas le temps d’y réfléchir, les autres le pressaient d’avancer. Il roula prestement la feuille et la glissa dans son pagne. De retour de la chasse, il s’empressa de se mettre à l’écart du groupe, et se mit aussitôt à dérouler son précieux trésor pour l’admirer.

    Mais il fut déçu, de n’y trouver qu’une simple tache de boue, dénuée d’une quelconque ressemblance même avec l’ombre de son pied. Il lui fallut toute une saison à faire et refaire pour comprendre que l’eau était responsable de ce changement. Son intérêt soudain pour la chasse et surtout la pêche avait surpris le clan, mais ils prirent ça pour une heureuse évolution, et ne prêtaient aucune attention à son manège. A chaque sortie, il tentait tant bien que mal de faire sécher ses œuvres, le temps de la chasse, les marquant d’un repère pour les récupérer sur le retour. Cependant elles ne séchaient jamais, d’autant que le temps était toujours à la pluie lors de ses expériences.

    Il lui fallut encore une saison pour trouver la solution. Un heureux hasard voulut que sur l’une des feuilles sur lesquelles il venait d’apposer sa main boueuse, le vent déposa une autre feuille. Catastrophé par cet incident, c’était une de ses plus belles œuvres, il s’empressa d’ôter délicatement l’intruse. Ce qu’il vit alors le remplit d’émerveillement. Il n’y avait aucun dégât, et, le plus étonnant était que l’empreinte de sa main se retrouvait sur les deux feuilles. Toujours pris par le temps, il recouvrit chacune de ses quelques œuvres d’une feuille, en fit un petit paquet qu’il plaqua contre son torse et fixa avec une liane.

    Une fois au campement, il étala son précieux chargement dans un recoin de la caverne qu’il avait découvert, à l’abri des regards. C’était une alcôve accrochée à la voûte, et dissimulée par une gerbe de stalactites.  Son tempérament solitaire l’inclinait sans cesse à rechercher les endroits les plus secrets, et il adorait grimper. C’est lors d’une de ces escalades qu’un souffle d’air attira son attention. Il fut immédiatement conquis par cet espace accueillant, ni trop petit, ni trop grand, agrémenté d’une légère clarté naissant de la fissure d’où venait le courant d’air. Il y avait assez de place pour y entreposer ses trésors à l'abri des regards.

    Il s’essaya aussi à tracer sur les feuilles des dessins avec le charbon, ça marchait mieux sur celles déjà sèches, mais ses gestes malhabiles en entamaient trop souvent la tendre texture. Puis il eut l’idée d’en tailler l’intérieur avec un silex et des os. C'était encore trop compliqué, alors son esprit s'illumina, pourquoi n'y avait-il pas pensé plus tôt? Rapide et discret comme un félin, il se faufila vers le fond de la grotte, où étaient gardés les biens de la tribus, il subtilisa un peu de pigment, puis eau et graisse, juste ce qu'il fallait pour reproduire ce mélange nécessaire aux peintures. Il avait maintes fois contemplé les femmes fabriquer cette mixture, et ce serait chose aisée de les imiter. Quand il fut enfin assez satisfait de son ouvrage, il réunit le tout, et prenant son courage à deux mains, alla trouver le grand chaman.

    Celui-ci le vit arriver ployant sous son chargement, tel un chasseur revenant d’une chasse fructueuse. Il l’accueillit avec curiosité et un certain amusement. Il avait bien remarqué le grand intérêt que l’enfant portait à ses activités, mais aussi ce changement, ce nouveau goût pour la chasse et ces disparitions longues et répétées. Tout cela ne lui ressemblait guère. Que tramait-il donc ? Intrigué, il l’encouragea à s’expliquer sur ce qui l’amenait à le voir.

    Quand il vit devant lui le travail de l’enfant, il en réalisa aussitôt toute l’importance. Ils pourraient ainsi envoyer des messages simples, légers, aux autres tribus et même à ceux dont le dialecte était différent du leur. Les chasseurs et les éclaireurs auraient la possibilité d’y dessiner les repères des territoires traversés. Tout un tas de nouvelles possibilités s’offraient à eux.

    Il n’hésita pas une seconde et réunit le clan pour annoncer la nouvelle, il en profita pour nommer l’enfant apprenti chaman et le garder près de lui afin de lui enseigner tout ce qu’il savait. L’enfant heureux, devint un très grand chaman.

    Ils commencèrent à y inscrire des signes de ralliement, de guerre, de conquêtes amoureuses, d’enseignement… Ainsi naquit l’écriture. Et depuis cet instant mémorable le destin de la feuille se lia pour toujours à celui de l’homme. C’est aussi pourquoi on nomme encore aujourd’hui les pages de nos livres feuilles…

    Cette appellation reste la seule mémoire de ces premiers livres et messages, trop fragiles pour que leurs traces nous en soient restituées par quelque reste archéologique.

     

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  • Ce fut une nuit sans étoiles où la lune, fatiguée d'être suspendue dans le ciel décida de venir se reposer sur la terre.

    Elle choisit un petit coin de dune au sein du plus immense des déserts. Une nuit, une seule, se sentir posée quelque part sur cet autre corps. Oublier un instant le poids de son existence, pour enfin rêver comme tous ces humains qu'elle observait depuis si longtemps.

    Elle s'endormit bercée de tous les sons de la vie terrestre, murmurés par les franges de sable frissonnantes. Elle rêva d'étoiles et de galaxies, elle peignait les nébuleuses, s'accrochait à l'écharpe des comètes et vivait d'extraordinaires voyages...

    Le silence d'or bleuté de sa nuit fut soudain strié d'un vacarme incompréhensible. Abandonnant le vaisseau de ses nuées fantastiques, elle contempla l'étendue désertique et fut surprise devant le spectacle qui s'offrait à elle. Une multitude de gens dansait, s'embrassait et faisait farandole autour d'elle.

    Puis une petite voix attira son attention, d'autant qu'elle venait de tapotements répétés sur son flanc rebondi. Elle aperçut alors un minuscule enfant qui s'évertuait à attirer son attention:

    "_ Dis moi petit, qu'est-ce qu'ils ont tous à s'agiter comme cela?

    _ Mais Madame, ce sont tous les amoureux qui ont promis la lune à leur bien-aimée. Ils sont tous en fête, puisque tu es sur la terre, ils ont réussi à te décrocher, et les belles sont si heureuses de tant d'amour et de dévouement ...

    _ Ah!Bon! Mais ils n'ont rien fait!!

    _ Et comment es-tu arrivée ici alors?

    _ Et bien ..." Elle hésitait, un peu honteuse d'être involontairement la cause de tant d'effervescence ..." Et bien et toi petit, que fais-tu là? Ne me dis pas que tu as une tendre amie toi aussi! Et d'ailleurs où est-elle?

    _ Non Madame, je n'ai pas d'amie, je suis là parce qu'on me dit toujours que je suis dans la lune, alors quand je t'ai vu descendre si près, toi qui etait si loin, je suis venu tout de suite pour découvrir ma maison.

    _ Ta maison?! Ah!Me voilà bien maintenant!!

    _ Dis, laisse moi entrer s'il te plaît, tu es grande, il y a beaucoup de place, je ne toucherai à rien, je te promets, et je suis si petit que tu ne sentiras rien...

    _ Bon d'accord, entre, mais ne reste pas longtemps, car je dois repartir à l'aurore.

    ...

    _ Peux-tu faire de la lumière Madame la lune? Il fait bien noir chez toi ... chez nous ...

    _ Mais mon petit, la lumière dont je resplendis vient du soleil... Il n'y a aucune lumière à l'intérieur, si ce n'est mes rêves qui eux ont toutes les couleurs de l'univers, mais tu ne peux les voir... Rêves-tu petit?

    _ Oh! Oui! Je ne fais que ça!

    _ Alors si je suis ta maison, tu en possèdes la lumière, sers toi de tes rêves..."

    Les petites mains silencieuses cessèrent de tatonner l'obscurité, et un sourire radieux illumina le tendre visage...

    "_ Je vois, oui, je vois, ma maison est bien belle!!! Merci Madame la Lune, c'est si beau!!!

    _ Cette lumière c'est toi, ne la laisse pas s'éteindre, et toujours elle éclairera les coins les plus sombres... Cherche bien partout, il y a un cadeau pour toi.

    _ Oh! C'est vrai?! Oui, oui, je cherche... Mais comment je vais le reconnaître?

    _ C'est lui qui te le fera savoir..."

    L'enfant fit un long parcours dans cette vaste demeure et tout en marchant il se mit à chantonner, un air cadencé par les battements de son coeur, palpitant comme la vie et pur comme son âme.

    Son murmure cristallin se propageait dans la sphère lunaire, et toutes les parois de la belle Dame en frémissait. Instinctivement il se dirigeait vers le centre de l'astre en direction de l'échos qui s'amplifiait de seconde en seconde. Son chant devenait symphonie, la lune elle-même se sentait envahie d'un bien être tel, quelle se mit à briller de sa plus belle lumière, sublimant encore la joie des amoureux subjugués. Leurs yeux se mirent à étinceler comme autant d'étoiles animant le vaste désert de milliers de lucioles, lui offrant le ballet d'un océan d'amour...

    L'enfant se tut soudain, il avait atteint une immense salle voûtée, d'étranges lueurs habillaient les arches d'ombres dansantes, le sol exhalait une lumineuse douceur verte...

    Au fur et à mesure que l'échos de sa voix diminuait, il lui semblait percevoir un autre son, une douce musique aux notes argentines...

     Elle venait de ce coin là-bas, au creux de l'obscurité. Il sentit un frisson de lumière le parcourir, comme pour l'encourager à continuer vers ce passage étrangement noir. Plus il avançait, plus la musique se faisait distincte, elle était merveilleuse, céleste, il se sentait plus léger, comme porté par la mélodie. Puis il remarqua surpris, une clarté émaner du sol, baissant les yeux il découvrit ses pieds chaussés de lumière, chacun de ses pas lui montrait le chemin...

    Abassourdi, il se laissa guider... Il déboucha enfin dans une minuscule pièce au centre de laquelle, à même le sol, était posé un petit coffret d'argent d'où s'échappait l'écharpe mélodieuse. Lentement et silencieusement il s'assit pour mieux contempler cette merveille.

    Le coeur emplit de beauté, il souleva délicatement le couvercle de la boîte fabuleuse, il était sur qu'elle contenait un trésor. Une forte clarté lunaire l'aveugla un instant, puis il distingua une sphère lumineuse en lévitation. Il la reconnut immédiatement, c'était elle, la lune, sa maison et il pouvait y percevoir toute sa rêvasserie palpitant au rythme de son coeur. 

    Il plongea de tout son être au sein de cette splendeur, et là, il vit qu'il n'y était pas seul. D'autres songes, d'autres âmes peuplaient cet univers d'amour et de passion. Il en reconnut certaines des amoureux rassemblés dans le désert au pieds de la belle Dame. Il reconnaissait une multitude de choses, dont il ignorait qu'elles avaient été l'idée d'un individu.

    Il comprit alors l'importance du rêve, non pas du songe lui-même, mais de tout l'amour qu'il comportait. Tout ces gens qui rêvaient le faisaient avec tant d'amour et de passion qu'il pouvait presque palper de ses petites mains cette force troublante. Son regard ne pouvait plus se détacher de toutes ces merveilles réalisées par la volonté de simples personnes qui avaient cru en leur rêve.

    Il se sentait si bien ici, si seulement il pouvait rester...

    Une voix lointaine le sortit soudain de son enchantement:

    "_ Et bien petit, tu trouves?... Il est bientôt temps...

    _ Oh! Madame la Lune, j'ai découvert une boîte si petite dehors, mais si ... immense dedans que j'ai bien failli m'y perdre...

    _ Oui, elle est pour toi, c'est ton cadeau, allez, fais vite maintenant, reviens et sors.

    _ Oh! S'il te plaît, puis-je rester et repartir avec toi... Je m'ennuie tellement sur terre.

    _ Ah! Non, non ,non, ça c'est impossible, tu n'y survivrais pas. Et puis pense à tes rêves, si tu restes ici, ils ne se réaliseront jamais, car tu ne rêveras plus. Ils ont besoin de toi pour exister, et comme tu l'as vu dans la boîte, le rêve d'une seule personne peut rendre des milliers de gens heureux.

    Il faut juste l'aimer, y croire assez fortement et ne rien laisser t'en décourager. Tu verras, tu feras le plus beau des voyages, car celui qui met tout son amour dans ses rêves franchit les portes célestes...

    _ Mais et toi, est-ce que tu rêves? Tu dois te sentir bien seule là-haut.

    _ J'ai bien assez de travail avec tous ces amoureux, et tous ceux qui m'aiment comme toi font de moi la source de leurs rêveries, je les vois bien de là-haut, leurs yeux reflètent ma lumière avec tant d'amour... Comment veux-tu que je me sente seule avec tous ces regards tournés vers moi?

    _ Alors pourquoi tu es descendue sur la terre? Ce n'est pas parce que tu t'ennuyais?

    _ Non... Mais ne le dis à personne, c'est un secret... Je suis venu pour rêver, car depuis si longtemps que je veille sur les rêves des humains, j'en ai découvert la magie, mais ne pouvait la vivre.

    _ Alors maintenant tu es heureuse, tu as réussi, hein?

    _ Oh! Mais oui! J'ai plus que réussi, j'ai rêvé de fabuleux voyages dans l'univers, j'ai exaucé un rêve que tous pensaient impossible, et surtout j'ai découvert ce que moi-même j'ignorais.

    _ Ah!Bon! C'est quoi?

    _ Et bien mon désir de connaître le rêve comme vous était en fait un rêve, mon premier, moi qui me croyait incapable de rêver, je sais maintenant que je le peux et le pourrai désormais, il suffit d'aimer, l'amour est magique. Vous m'avez tellement aimée dans vos rêves que vous m'avez appris à rêver et à vous aimer.

    _ Tu es si belle, comment ne pas t'aimer? Sans toi les nuits seraient bien tristes et bien sombres.

    _ Il faut nous quitter maintenant, le jour se lève..."

    Elle lui offrit sa plus douce lumière pour le réconforter. Il sortit à regret de ce merveilleux palais, serrant contre son coeur le précieux coffret. Surpris par le calme alentour, il écarquilla les yeux, le sol était jonché de corps enlacés, rompus de fatigue, ils s'étaient tous endormis.

    Après quelques mètres, il fit volte face et revint sur ses pas, il embrassa l'astre de tout son petit corps en lui murmurant:

    "_ Mes yeux brilleront de ta lumière toute ma vie, je t'aime!

    _ Moi aussi je t'aime, lui souffla-t-elle dans un dernier frisson..."

    Avec un dernier éclat de douceur qui pour elle était un baiser, Dame Lune s'éleva, de toute sa majesté, heureuse, et fila recouvrer sa place qu'elle savait désormais si précieuse au coeur de tant d'âmes...

     

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