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LE CLOWN
Il est né habillé d'une peau de chagrin
Cerné par un costume de plus en plus étouffant, le clown a peur, les larmes salées coulent sur ses joues sans grignoter une seule parcelle de la peinture qui couvre son visage, elle ne fait plus qu'un avec son être, seules les cicatrices du temps sculptent et redessinent l'origine de ses traits... Ses longs doigts parcourent chacune de ces empreintes vivantes ... comme autant de signes tracés par un scribe sur le parchemin mouvant de ses émotions ... Il ne veut plus être le capitaine de ce rire voguant sur un océan de larmes ... Lâcher la barre, partir à la dérive ... Nourrir l'abyssale détresse et s'y abîmer enfin ...
Maudit soit le jour de sa naissance, affublé de cette peau de souffrance, de la conscience d'être conscient, l'insupportable tourment broie sans relâche l'intérieur de cette prison de l'âme ...
A l'encontre de la divine mascarade ne naît aucun ressentiment, mais une profonde lassitude et une ultime volonté derrière la sublime grimace de son sourire ... Que tout s'arrête ...
"Je suis un mensonge vivant ... Le fantôme d'une vie ... L'illusion d'une promesse fantasque ... La fumée d'une cigarette qui n'en finit pas de se consumer ... Et de là-haut j'observe les mouvements de cette marionnette ridicule qui ne sait plus à quel fil se vouer ... Et qui, les brisant un à un, s'interroge le regard désabusé, sur l'étrange fatalité de n'en jamais voir la finalité ... Araignée au plafond ... La marionnette est fatiguée, elle ne veut plus jouer ...Le pauvre clown se morfond ... Dans les secrets bas fonds de ses mortelles émotions ... Il hait les poètes Apollons ... Couvrant les quatre dimensions ... De leurs mots sans action ... Sublime rideau d'illusions ... De leurs maux l'extrusion ... Éclaboussant sans façons les coeurs las d'afflictions ... Et lui le joyeux bouffon ... Jouant de ses pitres démons ... A faire rire la population ... De son pouvoir d'inhibition sur sa triste condition ... A maquiller d'expression ... Les silences de sa prison ... Les larmes salées dépériront ... Sans creuser d'humides sillons ... Sur le gai masque vermillon...