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L'enfant et la Lune
Ce fut une nuit sans étoiles où la lune, fatiguée d'être suspendue dans le ciel décida de venir se reposer sur la terre.
Elle choisit un petit coin de dune au sein du plus immense des déserts. Une nuit, une seule, se sentir posée quelque part sur cet autre corps. Oublier un instant le poids de son existence, pour enfin rêver comme tous ces humains qu'elle observait depuis si longtemps.
Elle s'endormit bercée de tous les sons de la vie terrestre, murmurés par les franges de sable frissonnantes. Elle rêva d'étoiles et de galaxies, elle peignait les nébuleuses, s'accrochait à l'écharpe des comètes et vivait d'extraordinaires voyages...
Le silence d'or bleuté de sa nuit fut soudain strié d'un vacarme incompréhensible. Abandonnant le vaisseau de ses nuées fantastiques, elle contempla l'étendue désertique et fut surprise devant le spectacle qui s'offrait à elle. Une multitude de gens dansait, s'embrassait et faisait farandole autour d'elle.
Puis une petite voix attira son attention, d'autant qu'elle venait de tapotements répétés sur son flanc rebondi. Elle aperçut alors un minuscule enfant qui s'évertuait à attirer son attention:
"_ Dis moi petit, qu'est-ce qu'ils ont tous à s'agiter comme cela?
_ Mais Madame, ce sont tous les amoureux qui ont promis la lune à leur bien-aimée. Ils sont tous en fête, puisque tu es sur la terre, ils ont réussi à te décrocher, et les belles sont si heureuses de tant d'amour et de dévouement ...
_ Ah!Bon! Mais ils n'ont rien fait!!
_ Et comment es-tu arrivée ici alors?
_ Et bien ..." Elle hésitait, un peu honteuse d'être involontairement la cause de tant d'effervescence ..." Et bien et toi petit, que fais-tu là? Ne me dis pas que tu as une tendre amie toi aussi! Et d'ailleurs où est-elle?
_ Non Madame, je n'ai pas d'amie, je suis là parce qu'on me dit toujours que je suis dans la lune, alors quand je t'ai vu descendre si près, toi qui etait si loin, je suis venu tout de suite pour découvrir ma maison.
_ Ta maison?! Ah!Me voilà bien maintenant!!
_ Dis, laisse moi entrer s'il te plaît, tu es grande, il y a beaucoup de place, je ne toucherai à rien, je te promets, et je suis si petit que tu ne sentiras rien...
_ Bon d'accord, entre, mais ne reste pas longtemps, car je dois repartir à l'aurore.
...
_ Peux-tu faire de la lumière Madame la lune? Il fait bien noir chez toi ... chez nous ...
_ Mais mon petit, la lumière dont je resplendis vient du soleil... Il n'y a aucune lumière à l'intérieur, si ce n'est mes rêves qui eux ont toutes les couleurs de l'univers, mais tu ne peux les voir... Rêves-tu petit?
_ Oh! Oui! Je ne fais que ça!
_ Alors si je suis ta maison, tu en possèdes la lumière, sers toi de tes rêves..."
Les petites mains silencieuses cessèrent de tatonner l'obscurité, et un sourire radieux illumina le tendre visage...
"_ Je vois, oui, je vois, ma maison est bien belle!!! Merci Madame la Lune, c'est si beau!!!
_ Cette lumière c'est toi, ne la laisse pas s'éteindre, et toujours elle éclairera les coins les plus sombres... Cherche bien partout, il y a un cadeau pour toi.
_ Oh! C'est vrai?! Oui, oui, je cherche... Mais comment je vais le reconnaître?
_ C'est lui qui te le fera savoir..."
L'enfant fit un long parcours dans cette vaste demeure et tout en marchant il se mit à chantonner, un air cadencé par les battements de son coeur, palpitant comme la vie et pur comme son âme.
Son murmure cristallin se propageait dans la sphère lunaire, et toutes les parois de la belle Dame en frémissait. Instinctivement il se dirigeait vers le centre de l'astre en direction de l'échos qui s'amplifiait de seconde en seconde. Son chant devenait symphonie, la lune elle-même se sentait envahie d'un bien être tel, quelle se mit à briller de sa plus belle lumière, sublimant encore la joie des amoureux subjugués. Leurs yeux se mirent à étinceler comme autant d'étoiles animant le vaste désert de milliers de lucioles, lui offrant le ballet d'un océan d'amour...
L'enfant se tut soudain, il avait atteint une immense salle voûtée, d'étranges lueurs habillaient les arches d'ombres dansantes, le sol exhalait une lumineuse douceur verte...
Au fur et à mesure que l'échos de sa voix diminuait, il lui semblait percevoir un autre son, une douce musique aux notes argentines...
Elle venait de ce coin là-bas, au creux de l'obscurité. Il sentit un frisson de lumière le parcourir, comme pour l'encourager à continuer vers ce passage étrangement noir. Plus il avançait, plus la musique se faisait distincte, elle était merveilleuse, céleste, il se sentait plus léger, comme porté par la mélodie. Puis il remarqua surpris, une clarté émaner du sol, baissant les yeux il découvrit ses pieds chaussés de lumière, chacun de ses pas lui montrait le chemin...
Abassourdi, il se laissa guider... Il déboucha enfin dans une minuscule pièce au centre de laquelle, à même le sol, était posé un petit coffret d'argent d'où s'échappait l'écharpe mélodieuse. Lentement et silencieusement il s'assit pour mieux contempler cette merveille.
Le coeur emplit de beauté, il souleva délicatement le couvercle de la boîte fabuleuse, il était sur qu'elle contenait un trésor. Une forte clarté lunaire l'aveugla un instant, puis il distingua une sphère lumineuse en lévitation. Il la reconnut immédiatement, c'était elle, la lune, sa maison et il pouvait y percevoir toute sa rêvasserie palpitant au rythme de son coeur.
Il plongea de tout son être au sein de cette splendeur, et là, il vit qu'il n'y était pas seul. D'autres songes, d'autres âmes peuplaient cet univers d'amour et de passion. Il en reconnut certaines des amoureux rassemblés dans le désert au pieds de la belle Dame. Il reconnaissait une multitude de choses, dont il ignorait qu'elles avaient été l'idée d'un individu.
Il comprit alors l'importance du rêve, non pas du songe lui-même, mais de tout l'amour qu'il comportait. Tout ces gens qui rêvaient le faisaient avec tant d'amour et de passion qu'il pouvait presque palper de ses petites mains cette force troublante. Son regard ne pouvait plus se détacher de toutes ces merveilles réalisées par la volonté de simples personnes qui avaient cru en leur rêve.
Il se sentait si bien ici, si seulement il pouvait rester...
Une voix lointaine le sortit soudain de son enchantement:
"_ Et bien petit, tu trouves?... Il est bientôt temps...
_ Oh! Madame la Lune, j'ai découvert une boîte si petite dehors, mais si ... immense dedans que j'ai bien failli m'y perdre...
_ Oui, elle est pour toi, c'est ton cadeau, allez, fais vite maintenant, reviens et sors.
_ Oh! S'il te plaît, puis-je rester et repartir avec toi... Je m'ennuie tellement sur terre.
_ Ah! Non, non ,non, ça c'est impossible, tu n'y survivrais pas. Et puis pense à tes rêves, si tu restes ici, ils ne se réaliseront jamais, car tu ne rêveras plus. Ils ont besoin de toi pour exister, et comme tu l'as vu dans la boîte, le rêve d'une seule personne peut rendre des milliers de gens heureux.
Il faut juste l'aimer, y croire assez fortement et ne rien laisser t'en décourager. Tu verras, tu feras le plus beau des voyages, car celui qui met tout son amour dans ses rêves franchit les portes célestes...
_ Mais et toi, est-ce que tu rêves? Tu dois te sentir bien seule là-haut.
_ J'ai bien assez de travail avec tous ces amoureux, et tous ceux qui m'aiment comme toi font de moi la source de leurs rêveries, je les vois bien de là-haut, leurs yeux reflètent ma lumière avec tant d'amour... Comment veux-tu que je me sente seule avec tous ces regards tournés vers moi?
_ Alors pourquoi tu es descendue sur la terre? Ce n'est pas parce que tu t'ennuyais?
_ Non... Mais ne le dis à personne, c'est un secret... Je suis venu pour rêver, car depuis si longtemps que je veille sur les rêves des humains, j'en ai découvert la magie, mais ne pouvait la vivre.
_ Alors maintenant tu es heureuse, tu as réussi, hein?
_ Oh! Mais oui! J'ai plus que réussi, j'ai rêvé de fabuleux voyages dans l'univers, j'ai exaucé un rêve que tous pensaient impossible, et surtout j'ai découvert ce que moi-même j'ignorais.
_ Ah!Bon! C'est quoi?
_ Et bien mon désir de connaître le rêve comme vous était en fait un rêve, mon premier, moi qui me croyait incapable de rêver, je sais maintenant que je le peux et le pourrai désormais, il suffit d'aimer, l'amour est magique. Vous m'avez tellement aimée dans vos rêves que vous m'avez appris à rêver et à vous aimer.
_ Tu es si belle, comment ne pas t'aimer? Sans toi les nuits seraient bien tristes et bien sombres.
_ Il faut nous quitter maintenant, le jour se lève..."
Elle lui offrit sa plus douce lumière pour le réconforter. Il sortit à regret de ce merveilleux palais, serrant contre son coeur le précieux coffret. Surpris par le calme alentour, il écarquilla les yeux, le sol était jonché de corps enlacés, rompus de fatigue, ils s'étaient tous endormis.
Après quelques mètres, il fit volte face et revint sur ses pas, il embrassa l'astre de tout son petit corps en lui murmurant:
"_ Mes yeux brilleront de ta lumière toute ma vie, je t'aime!
_ Moi aussi je t'aime, lui souffla-t-elle dans un dernier frisson..."
Avec un dernier éclat de douceur qui pour elle était un baiser, Dame Lune s'éleva, de toute sa majesté, heureuse, et fila recouvrer sa place qu'elle savait désormais si précieuse au coeur de tant d'âmes...
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