• le TABLEAU est là, Crée !

    Qui es-tu?

      - Je suis homme.

    Le monde est rempli d'hommes!

      - Oui, c'est bien mon malheur

      - Et toi qui es-tu?

    Je suis femme.

      - Le monde est plein de femmes!

    Oui, mais je suis Princesse.

      - Des Princesses il en est quelques une aussi...

    Dans mon Royaume il n'en est qu'une seule.

      - Où donc est ton Royaume?

    Ici et là-bas, partout où je suis.

      - Ici? Mais je ne vois ni château, ni serviteurs, ni soldats?

    Tu vois la Princesse. N'est-ce pas le plus important?

      - Et que possèdes-tu?

    Je ne possède pas, Je suis Princesse de néant. Et partout où je vais, je construis. Puis je pars vers d'autres chaos y construire à nouveau.

      - Tu es nomade alors. Où est ta caravane?

    Je n'ai pas de caravane, je suis la caravane. Ce que je construis ne nécessite pas de caravane.

      - Et où sont tes guerriers? Tu es seule, sans défense!

    Il n'est pas de plus grande armée que celle que j'ai en moi.

      - Que viens-tu construire ici?

    Un Homme...

      - Un homme ! Mais dis moi, quel ton nom?

    Je n'en ai pas, je sais juste que je suis et fais ce qui doit être. 

    Et toi as-tu un nom?

      - J'en ai trois. Le nom qui m'a été donné à la naissance, celui dont on me surnomme, et celui que j'ai choisi.  Lequel d'entre mes noms veux-tu?

    Les trois, si tu veux bien.

      - Je suis né Un, ils me dirent né O, je me suis nommé d'Oeuf

    Ton nom n'a aucune importance. C'est ce QUE tu es qui est important et non ce QUI tu es. Mais puisque tu aimes les noms, tu es l’un d’œuf sans être d’eux,  je te nomme ce que je sus Etre, . . . Jesuis. 

     

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  • Au fin fond d'un lugubre château vivait le mystérieux Comte Pétogaz.

    Celui-ci projetait secrètement de dominer le monde. 

    Pour cela il se faisait aider par deux personnages des plus douteux:

    Le professeur Colargul, éminent scientifique démis de ses fonctions pour non-respect de l'humanité; et Maître Bidouille, notaire vereux.

    Le Comte Pétogaz, bien de sa personne, était un personnage énigmatique et cynique.  Très riche, ne manquant de rien, son ambition consistait surtout à rester seul à avoir les pieds sur terre.

    Il voulait que les autres humains perdent pieds, le supplient et reconnaissent sa supériorité.

    Le Professeur Colargul, lui, désirait se venger de l'humanité, il trouvait dans son association avec le Comte un bon moyen d'y arriver.

    Pour ce qui était de Maître Bidouille, le fait de faire quelque escroquerie lucrative et malsainement drôle, le comblait de bonheur!

    Nos trois compères se mirent donc à chercher un moyen de parvenir à leurs fins. Le Professeur pensa à un sérum concentré qui une fois ingéré par les victimes provoquerait une réaction chimique, elles gonfleraient jusqu'à rester en suspension dans l'air.

    Colargul mit très longtemps à obtenir un résultat satisfaisant, mais à force de peine et de formules toutes plus complexes les unes que les autres, il trouva enfin la solution.

    Son secret il le gardait jalousement, la seule chose qu'il voulut bien en dire, c'est que l'élément principal en était un insecte mutant, issu de ses anciennes expériences.

    Ses essais sur les animaux furent très concluants, mais il était nécessaire bien sûr de l'expérimenter sur un être humain. Il fallait bien ça pour impressionner le Comte.

    C'est alors qu'il pensa à Bidouille, la fripouille, un peu andouille, toujours prêt à rigoler pour n'importe quoi. Il ferait bien l'affaire et ne prendrait pas ombrage de rester collé au plafond en attendant l'antidote.

    Il suffirait de lui promettre la plus méchante rigolade de sa vie, quand il verrait tous les autres dehors s'envoler et rester suspendus en l'air, avec un petit air con plein de surprise et d'impuissance.

    Décidé et content de lui, Colargul convoqua le Comte Pétogaz et Maître Bidouille dans le petit salon du château.  Il avait bien évidemment préparé une petite collation et versé sournoisement quelques gouttes de sa substance dans le verre de Bidouille.

    Celui-ci but son verre d'un trait, et, le Comte surpris vit son notaire monter en l'air et se balader au plafond en gigotant désespérément.

    Quelle réussite!!Colargul se frotta les mains, plein d'orgueil devant le maître des lieux qui s'exclama cyniquement:

    "- Je vous conseille de le vaporiser avec un insecticide avant qu'on dise que j'ai une araignée au plafond! HI!HI!HI! Colargul vous serez dispensé de boire votre sérum crapuleux!

    - ...?

    - Comment? Antidote me dites-vous? Non, non, il n'y aura pas d'antidote, pas besoin, pensez un peu, le monde va bientôt nous appartenir..."

    Après avoir savouré les compliments du Comte, Colargul s'empressa de tourner les talons pour se diriger vers son laboratoire, dédaignant tout simplement les hurlements désespérés de Bidouille.

    Le pauvre notaire s'efforçait tant bien que mal de s'accrocher aux tentures pour organiser sa descente. Et devant l'indifférence de ses deux acolytes, la panique commençait à le gagner. Il se voyait déjà mourant de faim faire la chasse aux araignées, seule pitance à disposition sous les arcades lugubres du château.

    Mais le Comte réagit vivement, agacé par tout ce tapage, il stoppa Colargul et lui ordonna sèchement de quérir une corde.

    "-Une corde?? Mais pourquoi faire??

    - Réfléchissez donc un peu voyons, le seul moyen de contaminer l'eau de la ville est de verser le sérum dans le château-d'eau...

    -Et comment comptez-vous vous y prendre?

    -Et bien!Nous avons là-haut, continua-t-il en désignant Bidouille, un moyen aussi efficace qu'économique! Dépêchez-vous donc, nous avons encore besoin de lui, ajouta-t-il encore d'un ton cynique."

    Colargul émit un grognement, il venait de réaliser que Bidouille n'étant plus disponible, il devenait lui-même le larbin du Comte! Cette idée de double corvée ne l'enchantait guère et il se jura de trouver un antidote malgré l'interdiction du maître des lieux. 

    Pour l'heure, il ramena la corde et la tendit à Petogaz qui s'était entre-temps muni d'une arbalète "d'époque", fleuron du temps révolu de ses glorieux ancêtres.

    Il fixa la corde à une flèche et visa le plafond en intimant Bidouille d'arrêter de gesticuler s'il ne voulait pas risquer de se faire trouer le postérieur.

    Celui-ci blémit et crut sa dernière heure venue sous l'impact violent du trait de métal qui se ficha dans une poutre, faisant trembler toute la structure du plafond.

    "-Allez Bidouille!!Accrochez-vous à cette corde et arrêtez de geindre comme un cochon qu'on égorge!!

    Notre notaire s'exécuta sans plus attendre, trop heureux de mettre fin à cette situation inconfortable. Il s'attacha solidement et se laissa ramener au sol.

    Ils fixèrent la corde au pied d'un des canapés et Colargul put enfin filer dans son laboratoire, pressé qu'il était de confectionner le sérum ainsi que l'antidote, car il n'avait vraiment pas confiance dans l'esprit tortueux du Comte.

    Pendant ce temps celui-ci mettait à profit les nouvelles capacités de son notaire, il lui planta un plumeau dans une main, un chiffon dans l'autre et lui fit nettoyer tout ce qu'on ne pouvait atteindre sans échelle. Il n'oublia pas de lui faire réparer les quelques tuiles cassées qui défiguraient la belle toiture de la bâtisse ancestrale.

    Plus il y pensait, et plus il trouvait ce notaire volant bien pratique.

    Puis Pétogaz expliqua à Bidouille ce qu'il attendait de lui. La tâche n'était pas bien compliquée, et celui-ci sans être une lumière ferait bien l'affaire.

    Devant l'importance qu'on lui attribuait soudainement, Bidouille en oublia ses émotions. Fier comme Artaban, il se redressa tant bien que mal au bout de sa corde en piaffant d'impatience devant la lenteur des travaux de Colargul.

    Au bout de quelques jours le professeur sortit enfin de sa tanière tenant une caisse pleine de flacons. Bidouille n'en pouvait plus de joie, enfin de l'action à l'horizon! Il ne pensait pas un seul instant à l'absurdité de sa situation, tant il était absorbé par le plaisir de participer à ce vilain tour qu'ils allaient jouer à cette populace prétentieuse.

    Nos trois crapules se mirent en route vers le château d'eau sitôt minuit passé. 

    Celui-ci étant à l'écart de la ville, ils ne risquaient plus d'y faire de  rencontres inopportunes.

    Bidouille s'appliqua à exécuter de son mieux la tache qu'on lui avait confié. Etant maladroit de nature, le plus difficile pour lui fut de ne pas faire de casse, mais il s'en sortit avec brio, sous les yeux épatés de ses deux acolytes!

    Leur mauvais coup accompli, ils se hâtèrent de regagner leur repère pour y fêter cette réussite, et extrapoler une multitude de situations cocasses qui couronneraient dès le lendemain le succès de leur entreprise diabolique...

    (pas fini...)

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  • En ces temps de guerre psychologique, au sein du terrestre désert de béton, elle était un lieu où on vous offrait une mort douce. Vous vouliez en finir avec la vie? Rien de plus simple, on vous injectait le sérum mortel  et vous partiez pour l'autre monde de la manière la plus douce et la plus sure.

    Mais cela n'est pas le sujet de notre histoire, car le plus intéressant et le plus étrange, c'est ce qui se passait entre votre entrée dans cette maison et votre dernier soupir. Il s'y déroulait en effet un surprenant commerce. Comme on n'avait jamais rien sans rien, on échangeait le fruit de votre imagination et de vos émotions, vos derniers rêves contre une mort sereine et contrôlée.

    Depuis la révolution du cerveau, les découvertes scientifiques avaient explosé et il était désormais courant d'enregistrer ses songes, avec sons et lumières. Plus personne n'aurait eu idée de se lever le matin sans consulter son collecteur de rêves. Une merveilleuse machine qui vous proposait en plus une analyse pertinente des enregistrements les plus fous et les plus énigmatiques.

    Il était né avec ces nouvelles technologies une nouvelle forme de voyeurisme, tout le monde s'intéressait aux rêves des autres. Certains en firent commerce et obtinrent un franc succès, les plus doués devinrent producteurs. Le monde entier se battait pour leurs chefs d'oeuvre, les effets spéciaux du cinéma faisaient pâle figure à côté des possibilités illimitées du cerveau, tant du côté financier que du côté matériel.

    Les célèbres studios Ali Woud firent faillite et les acteurs ne rêvaient plus que de se faire connaître d'un éventuel producteur pour un rôle de figuration dans leurs rêves. Au palmares des genres les goûts restaient à peu près comparables à ceux des films, le sexe arrivait en deuxième position devant les cauchemars et les thrillers psychologiques...

    Mais la catégorie qui changeait tout, et remportait de loin la palme, était les superproductions qui sortaient de "la maison du dernier sommeil". Connaître par ce moyen directement issu du cerveau les impressions conscientes et subconscientes de ceux qui avaient choisi de mourir était devenu le fin du fin de la connaissance culturelle.

    La plupart des gens choisissait des rêves émanant de personnes leur ressemblant ou ayant les mêmes fantasmes qu'eux. Peut-être pensaient-ils qu'ainsi leur mort prochaine, le passage de "l'autre côté", leur semblerait plus facile. Il était évident que leur quête avait un seul but, se rassurer. Cependant la motivation première ne différait guère de celle qui poussait le peuple dans les arènes sous l'Empire Romain, la curiosité malsaine et morbide devant la mort d'autrui.

    Pourtant derrière cette apparente cruauté se profilait une autre quête, celle qui occupait l'esprit depuis l'âge de conscience, mais avec le temps et les circonstances elle finissait bien souvent par ne plus préoccuper que le subconscient. Pour certains la vie devenait un enfer, ils en arrivaient à faire n'importe quoi pour recouvrer ce droit qu'on leur avait refusé en grandissant. Il y en avait qui réussissaient à développer une volonté hors du commun, une volonté subjugante.

    Et la maison du dernier sommeil fut le théâtre d'un tel phénomène.

    Un dénommé "Jesuis De Nullpar" dont la vie avait été pavée d'injustices et de malheurs découvrit un jour, par hasard, le produit des rêveries de fin de vie d'un de ses amis. Lui, qui n'approuvait pas cette surexploitation de l'euthanasie, qu'il accusait de nouveau commerce de la misère humaine, se surprit à s'intéresser à ce qu'il voyait. Il se reconnut d'ailleurs sur l'enregistrement, étant son meilleur ami, il ne pouvait qu'en faire partie.

    C'était au demeurant une des raisons de l'énorme succès de ces productions, d'illustre inconnu vous vous retrouviez célèbre quand le rêve d'un suicidé devenait populaire. On observait ainsi une nouvelle tendance: ceux qui rêvaient de faire une carrière de star faisaient la chasse aux suicidaires. La gente mondaine se bousculait pour jouer les satellites autour de personnes qu'auparavant elle aurait méprisé. Les SDF devenaient particulièrement prisés, mais on s'appliquait surtout à entretenir leur condition, si ce n'était à l'aggraver...

    Bien loin de toute cette agitation et de ces intérêts mesquins, Jesuis se repassait en boucle la bande funeste de son ami. Quelque chose l'intriguait, mais il ne savait pas quoi. Il essayait de comprendre, et de se mettre à la place de ces pauvres bougres, pour saisir les émotions qui pouvaient générer de telles images ... C'était un mélange étrange de réalité faite de souvenirs, d'actualités et de rêves, de fantasmes, plus ou moins baignés de désespoir ou d'espérance selon l'état d'esprit des candidats.

    Il espérait à travers l'expérience de son ami, approcher au plus près la compréhension de ce phénomène, avec l'avantage de la familiarité et de la complicité qui les unissaient. Il découvrait par cette vidéo les secrets intimes d'un être qu'il pensait connaître parfaitement. Il ne lui connaissait pas ce côté spirituel, avec un goût fort prononcé pour l'éternité. Il avait bien caché son jeu cet athée inconditionnel, ou serait-ce l'imminence de la mort après l'injection qui lui aurait inspiré un réflexe de survie spirituelle? Mais il y avait autre chose qu'il n'arrivait pas à définir, un sentiment, une émotion, un malaise...

    Il entreprit de visionner d'autres productions de "la maison du dernier sommeil", dans l'espoir d'y trouver des points communs qui pourraient lui permettre d'entrevoir une réponse aux questions qui l'assaillaient. Il soupçonnait l'entreprise d'ajouter de la drogue aux produits euthanasiants, afin d'augmenter les émotions des patients et rendre ainsi leurs délires plus intéressants et plus attractifs.

    Après un certain temps, plus de cent films et plusieurs nuits de sommeil, il se réveilla un matin la tête pleine d'images de toutes ces vies qui avaient alimenté ses rêves. Elles arrivaient par flashs anarchiques et désordonnés, et pourtant quelque chose les unissait, mais quoi?

    Etait-ce son propre cerveau dans un effort de compréhension? Qu'est-ce qui pouvait donc relier toutes ces personnes qui ne se connaissaient pas? Si ce n'est leur fin choisie et le lieu, "la maison du dernier sommeil". Ses soupçons se confirmaient, mais il lui fallait des preuves... La solution était là, devant lui, il en était persuadé.

    Il se résigna tout d'abord à acheter cet infernal capteur de rêves avec l'espoir de trouver quelque réponse dans les coulisses de son propre sommeil, afin d'éliminer ses soupçons envers ce lieu de perdition. Peut-être que son subconscient lui serait plus utiles que toutes ces réflexions stériles. Puis il reprit l'enregistrement de son ami et décida de le visionner au ralenti, image par image, pour y découvrir quelque intrusion subliminale...Enfin, rompu de fatigue il mit en route la machine, enfila le casque neurosensoriel, s'allongea et plongea dans un sommeil profond. Il s'engagea alors dans le dédale de ses rêves, confiant. La mort peupla ses songes...

    La mort, cette mort qu’il aimait tant et redoutait tout autant…Non qu’il en avait peur, mais plutôt qu’il voulait être sur qu’il n’y ait rien après, que le néant. Il n’avait aucun goût pour la spiritualité, mais au fond de lui il sentait une présence, et craignait bien qu’une chose comme l’âme ne contrecarre son aspiration. Il était bien décidé à faire tout pour éviter une éventuelle réincarnation, ou encore bien pire l’éternité d’un quelconque paradis ou enfer.

    Son cerveau bouillonnait d’excitation, et s’il trouvait le moyen d’en finir vraiment ? Il n’y avait bien qu’au royaume des morts qu’on pouvait trouver quelque réponse, et quel plus bel endroit que cette pépinière de suicidés ? Il était déjà démontré que le cerveau enregistrait encore des informations après le décès, ce que chacun attendait avec impatience…en savoir plus sur LA « FIN ». Tous voulaient voir plus loin que ce fameux tunnel et sa lumière…Quand donc quelqu’un réussirait-il à passer de l’autre côté tout en donnant plus de précieuses informations ?

    Un sommeil de plomb s’était emparé de lui, du moins c’est ce qu’aurait déclaré un observateur, tant il était immobile, allongé sur le dos, les membres détendus. On le croirait presque mort si ce n’était l’activité de la machine à laquelle il était relié. L’information arrivait à grand débit,  l’ordinateur « ronflait » intensément, les témoins lumineux diffusaient une lueur presque continue. Il n’avait pas programmé d’heure pour son réveil, préférant ne pas interrompre le processus.  

    Il dormit 10 heures, une performance pour lui qui habituellement était insomniaque. Une question piqua sa curiosité : la machine avait-elle un effet somnifère ou était-ce sa conscience, voir son subconscient qui se serait mis en état de sommeil pour s’appliquer à servir au mieux sa mission ? Mais il balaya cette interrogation d’un revers de la main, l’heure n’était pas aux nouvelles complications. Il avait du travail sur la planche. Le temps de prendre un de ces concentrés énergétiques afin d’avoir l’esprit clair, et il s’affaira à parcourir les rapports de l’ordinateur.

    Et, c’est là qu’il la remarqua, le PC analysait tout et donnait une masse d’informations sous forme de tableaux, schémas et synthèses, il faisait ressortir les points dominants tels que sons, formes, couleurs, etc. Ce qui ressortait de tout ce fatras, c’est qu’à chaque pensée, image, son, reliés aux productions de la MDDS, s’associait la couleur verte, plus précisément sous forme de spectre lumineux.

    Une ambiance teintée, parfois plus intense selon les films, mais présente dans chacun. Une étrange lumière, tantôt halo, tantôt brouillard, fluctuante et de nuances verdâtres, elle était difficilement perceptible pour l’œil non averti. Une atmosphère qu’on ne retrouvait que dans les productions de la Maison Du Dernier Sommeil. Il tenait enfin un fil conducteur.

    Ce point commun qu'il cherchait avec tant d'insistance et d'acharnement, pouvait être le passage de la mort, ce spectre lumineux en était une manifestation évidente, il lui fallait à tout prix en avoir le cœur net. Mais que pouvait-il en faire ? Puis il se mit à penser que si ce passage était visible, détectable, manifeste, il pouvait lui-même avoir un impact dessus, encore faudrait-il en connaître un peu plus, et, pour cela il ne voyait qu’une solution.

    Mourir. Provoquer sa propre mort, clinique pas définitive, programmer des allers-retours afin d’avoir le temps de trouver ce qu’il cherchait, sachant qu’il disposait d’une heure à chaque fois, s’il voulait épargner à son corps des dégâts irrémédiables. Le procédé était au point et il avait moyen de se le procurer, ses relations dans le domaine médical le lui permettaient. Le problème était comment s’introduire dans le bâtiment de la MDDS sans passer par la méthode et le contrat suicide ? Tout en cherchant une solution, ses yeux restaient rivés sur la machine à rêves. Cette machine quelle diablerie ! Et en même temps quelle ingéniosité !

    Et puis, soudain, un éclair de lucidité, cette machine n’était qu’un ordinateur, et un ordinateur, ça se connecte ! La connexion, il pouvait passer par la connexion ! Il se procura rapidement le nécessaire, raccorda la machine à rêves à son propre ordinateur et créa un programme chargé d’envoyer directement les informations enregistrées de chez lui sur le serveur interne de la MDDS.  Ainsi paré, il ne doutait pas d’atteindre son objectif. Restait une question, comment allait-il s’y prendre une fois là-bas ? Il s’imaginait rencontrer les autres, sous quelle forme il l’ignorait, mais il était certain qu’il les verrait, ou tout au moins les percevrait, l’essentiel étant de communiquer avec eux.

    Il prit le temps de régler quelques affaires et de prévenir les importuns probables qu’il se retirait pour quelques temps. Il fallait qu’en aucun cas son expérience ne soit interrompue. 

    Il vérifia tout, et se prépara activement au premier grand voyage. Il n’avait qu’une seule appréhension, ne pas arriver au bout de son rêve, mourir avant de comprendre comment se jouer de l’existence. Mais il savait aussi qu’il n’avait pas d’autre choix que de prendre ce risque. Au moins il aurait tout fait pour y arriver. De deux choses l’une, soit il perdait et, dans ce cas, continuerait de vouer son existence maudite à trouver le moyen de l’annihiler, soit il gagnait et n’était plus. Il n’avait donc rien à perdre.

    L’heure était venue et n’était plus à la réflexion. Il enfila le casque, engagea le programme, s’allongea tranquillement et s’injecta le sérum. Il lui sembla perdre conscience, puis d’un coup il se sentit aspiré par le courant électrique. Sa vision n’était plus que brouillard et flashs simultanés. Ses sens disparaissaient, ou plutôt, non, ils se fondaient en une seule entité, comme un seul sens. Un seul et unique, mais ô combien plus performant que nos cinq malheureuses perceptions organiques.  Il n’était plus qu’une sphère de sens, et ce qu’il éprouvait était fantastique ! Ce parcours dans les câbles, il sentait, voyait et entendait tout, traversait les appartements voisins, et percevait tout en même temps, et plus fort encore il arrivait à tout analyser et comprendre, à une vitesse vertigineuse.

    Ce fut presque difficile pour lui de stopper cette course quand il perçut sa destination. Il savait que ce n’était pas un voyage de croisière, et qu’il n’avait pas de temps à perdre. Il ne dépendait plus d’aucune lois terrestres, lui semblait-il, tout du moins de celles qu’il connaissait de la matière. Il se trouvait maintenant dans le PC d’un opérateur informatique, occupé à traiter les demandes de plusieurs dizaines de personnes. Il prit un malin plaisir à embrouiller les données juste pour se repaître de quelques grimaces d’agacement et jouir un peu aussi de ses nouveaux « pouvoirs »…

    La pièce était immense, et plusieurs techniciens s’affairaient sur une multitude de terminaux. Après s’être amusé en une fraction de seconde avec eux, il se posa enfin la bonne question. Pourquoi autant de technologie ? Ca lui semblait vraiment exagéré en considération de l’activité mortuaire de ce lieu, qui en toute logique n’était qu’une sorte de morgue relayeuse d’informations oniriques via l’image et le son.  Il lui fallait trouver le lieu où les exécutions étaient pratiquées, mais avant, il préféra inspecter les bases de données et les programmes qui se trouvaient à sa portée. Quelle ne fut sa surprise d’y trouver tout un système médical, chirurgical, et même un labo de recherches. 

    Ce qu’il découvrait était sans précédent ! Une horreur sans nom ! Comment était-ce possible ? La perversité de l’être humain n’avait donc pas de limite ? Ils avaient fait du chemin depuis leurs débuts ces monstres. Au départ leurs intentions étaient humanistes, mais le succès fut si grand qu'ils ne purent résister à la tentation de faire plus de profit. Ils s'aperçurent que certains candidats étaient particulièrement doués d'imagination, et décidèrent que ceux-là ne devaient pas mourir... Ils financèrent dans le plus grand secret les recherches qui menèrent à bien ce projet des plus ambitieux, cette abomination sans nom...

    Il lui fallait voir ça de ses propres yeux, enfin, dans l’état actuel de sa personne il était plus juste de parler de sa perception visuelle. Il eut tôt fait de trouver le labo où « ILS » étaient entreposés. La clarté verte éclaboussa sa conscience, ce qu’il avait pris pour un spectre  lumineux inhérent à la mort n’était qu’un vulgaire éclairage de néons. Le coup était rude. ILS étaient tous là, devant lui, des milliers de tubes translucides emplissaient la vaste et illusoire antichambre de la mort. Dans chaque tube étaient conservés en vie, le cerveau, la moelle épinière et le cœur d’un homme. Ils étaient condamnés à vivre au sein de la machine et à l'alimenter de leurs délires les plus fous. Pour eux c'étaient l'enfer. Le liquide dans lequel ils baignaient ondulait et résonnait au rythme des ondes propagées par les pulsations coronaires. C’était un son étrange, à la fois insupportable et envoûtant. Sa sensibilité exacerbée fut vite submergée par tous ces battements sourds qui ne laissaient aucune place au silence de ses pensées.

    A ce moment Jesuis crut perdre la raison. Choqué par sa découverte, déséquilibré par les vibrations sonores, il se sentit soudainement secoué de convulsions et de spasmes violents. Que se passait-il ? Allait-il mourir ? C’était bien trop tôt, il n’en était pas question ! Dans un ultime soubresaut il tenta de fuir la pièce maudite. Il se produisit alors un phénomène auquel il ne s’attendait pas. Il fut subitement aspiré par une masse spongieuse, les sons devinrent lointains, la lumière se tamisa et il se sentit balancé de droite à gauche d’un mouvement régulier. Comme si, comme s’il, oui, il avait l’impression de marcher, et aussi d’entendre, de voir et de toucher comme avant… Que s’était-il passé ? Il n’était pourtant pas revenu chez lui, puisqu’il était toujours là, dans cette…Maudite Maison Du Dernier Sommeil !

    Et il était là, à consulter et vérifier comme un médecin les données retransmises par le système de contrôle relié à chaque cylindre de verre. Il lui fallut un court moment de réflexion pour comprendre enfin qu’il se trouvait dans le corps d’un des employés. Quelle singulière sensation que de ressentir et vivre dans le corps d’un autre, absolument extraordinaire. Il n’avait pas envisagé cette éventualité. Mais au moins elle lui permettait de rester dans cette salle d’une façon supportable. Il resta sans réaction un long moment, se laissant porter par ce nouvel environnement, en appréciant toute la perception. Son hôte d’ailleurs ne brillait pas par son sérieux, tout en exécutant machinalement les gestes de son devoir professionnel, il ne pensait qu’à ses maîtresses et revivait leurs galipettes passionnées. Le rythme saccadé de leurs accouplements se mariait de façon excitante au tempo lancinent des battements de cœur  des condamnés. 

    Jesuis le soupçonna de faire du zèle pour être spécialement affecté ici. Mais cette nouvelle expérience n’était pas pour lui déplaire, le bougre avait bon goût et les filles étaient chaudes. Pour lui qui n’avait pas touché une femme depuis plus d’une année, ce fut une explosion de jouissance telle, que ses sens, décuplés par ceux du corps qu’il occupait, poussèrent l’extase jusqu’au paroxysme. Il en perdit connaissance quelques secondes. Le tressaillement qui l’envahit lorsqu’il reprit conscience lui indiqua qu’il n’était pas le seul à avoir ressenti ce tsunami de plaisir. L’employé était au sol, haletant, suant, il tentait de reprendre un certain équilibre et de recouvrer ses esprits. 

    ... (pas fini)

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    Le Magicien Mot


    Le magicien Mot se jouait des âmes.
    Il jonglait avec les phrases, de circonlocutions en circonvolutions.

    Des morphèmes soldats aux chevaliers syntagmes, armée d'épigrammes aux lances de brocards, de soliloque en aparté, de sentences en ordalies, il se cachait derrière les vers doux et pervers.

    Il trempait sa plume dans le poison des rayons d'un soleil vert et s'épandait en élégies doucereuses et doléances passionnées.

    Il trompait son monde avec éloquence, à l'affût des âmes sensibles à son apparente tourmente. Il les choisissait en souffrance et pleines d'espérance.

    Elles plongeaient généreusement dans la trame de ses manigances matoises, y perdaient leur énergie dont il se nourrissait allègrement jusqu'à ce qu'il se soit assuré  l'asservissement de leur cœur innocent.

    On le devinait toujours derrière les remparts de ses paraphrases, entre les lignes de ses ambages, sans en être vraiment sur, on pensait y trouver enfin sa vérité.

    Mais le malin toujours s'en détournait, prenait soin de noyer les sirènes de l'évidence échappées d'une mer de litanie autolâtre, dans un flot d'habiles palabres et prosodies verbeuses.

    Il se croyait à l'abri de son château de chagrins. Les cartes de l'amour, de l'attente, de l'ennui, de l'abandon, de la souffrance inspiraient la pitié aux âmes moins tendres et l'éventuel danger que son fallacieux tourment de vivre fût démasqué s'écartait.

    Cependant le soleil était soleil, et lui n'était que magicien. L'encre de vers aux verts effluves délétères insufflait en l'homme son poison. Lui, qui se jouait des autres, fut pris à ses dépens.

    Perdu entre les lignes de ses propres troupes, cerné de blâme, aveuglé de faux semblant, il entama un éternel et solitaire pèlerinage dans le labyrinthe maléfique de son propre discours.


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    Voyage intérieur

    Vertige 

    Tout le jour je me bats contre les troupes de la nuit : soldats impalpables, dont toutes les forces sont concentrées aux tréfonds de mon cerveau, là, où j’ai le plus de mal à contrôler les pulsions de mes émotions. 

     

    Alors je me concentre au bord de l’astre, mon regard se fond à l’infini, sondant l’espace. J’appelle à moi l’énergie pure et originelle de l’univers. 

     

    Infini 

    Que pourra mon âme, sans l’union de toutes les forces cosmiques ?  Les deux comètes, dont l’éclat doré recouvre d’un étrange halo lumineux tout ce qui m’entoure, nous entraînent dans leur course folle à travers la galaxie. 

     

    Nous avons passé les frontières du temps, les siècles défilent sans que leur morsure ne laisse de traces sur les organismes vivants. 


    Serait-ce la vie éternelle ? 

    Serai-je mort ? 

     

    Sur toi coulent les larmes célestes.  

    Dans le vide de ton âme 

    Ils cherchent Dieu, 

    Le chemin s’efface, 

    Tes pieds foulent l’espace. 

    Etrangeté de la création, des formes fluides et mouvantes apparaissent. Elles ressemblent à de l’eau ou du gaz. Le cosmos se mire à l’intérieur. Elles sont l’écho de la douleur, hurlements inaudibles, mouvements imperceptibles, impalpable souffrance de l’univers. 

     

    Conscience 

    Quel est le but de cet étrange voyage ? Plus grand j’ouvre mes yeux, plus grande est l’obscurité, et pourtant, cette obscurité est lumière. 


    Vers quelle frontière insoupçonnée de l’univers nous mène cette course infernale ? 

    Je la sens, je sens mon âme vivre, grandir et rétrécir, je la sens battre au rythme de mes actes et de mes pensées. 


    Quelle incroyable prison que ce corps aux multiples portes, fermées et oubliées, dont nous possédons les clés…les clés de la liberté… 

     

    Enfouies au plus profond de nous-mêmes, elles sont autant d’insondables mystères qui nous terrifient. 

     

    Je me souviens de cette porte en travers de mon chemin. Poussé par la curiosité, je cherche le moyen de l’ouvrir. Pas de clé, pas de serrure, rien. 

    Je décide alors de m’appuyer de toutes mes forces, d’un côté, puis de l’autre, et, soudain, je me sens partir en avant, dans une glissade vertigineuse.  

     

    Rien pour me freiner ni me guider, des obstacles, noyés dans l’obscurité, plus coupants ou violents les uns que les autres, me heurtent, me déchirent. 


    Je n’ai que moi-même, mon corps, mon esprit et mon âme pour m’en défendre. Je dois leur apprendre à sentir, pressentir, anticiper… 

     

    Et quand je commence à peine à penser que je vais y arriver, la pente se fait plus raide et la chute plus rapide, il faudrait que je sois plus rapide, plus rapide que la force qui m’attire vers le bas. 


    Notre conscience porte les empreintes de notre voyage dans le temps et l’espace, les traces cosmiques, les poussières d’étoiles qui bordent notre chemin de lueurs ou d’éclats selon notre pureté. 

     

    Ecoute le bonheur,
    Ecoute le malheur,
    Ecoute la mort de mon cœur… 

     

    Et la nuit se pose sur mes yeux, couvrant d’encre le fond de mes pensées. Sombre Déesse, tu dilues le cœur de ma conscience, et déposes au creux de mes cils des perles d’argent, premières lueurs que je perçois de l’aube naissante, filet de fraîcheur soulevant mes paupières.

      

     

     

     

     

     

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